(Après avoir séduit Paul et s'être fait rembarrer par Gabe, Sil est de retour chez elle et s'ennuie ferme. Elle décide alors de rejoindre son père au salon)
"Et si on allait converser un peu avec mon cher père ?"
Sous un brin d'idiotie je m'extirpais de mon lit et me frayais un chemin parmi les débris, vêtements, croquis et crayons qui jonchaient le sol. Arrivant au salon je l'y retrouva à sa place fétiche, sur son coin de canapé miteux. Il lisait.
Sous un brin d'idiotie je m'extirpais de mon lit et me frayais un chemin parmi les débris, vêtements, croquis et crayons qui jonchaient le sol. Arrivant au salon je l'y retrouva à sa place fétiche, sur son coin de canapé miteux. Il lisait.
— Tu
fais quoi ?
Il
ne prit pas la peine de me regarder.
— Ceci
s'appelle un livre, je lis, donc.
— Non,
sans blague ? Tu lis quoi ?
— La
thèse du professeur Smig sur notre existence.
—
Fascinant...
— Tu
serais surprise mon enfant... J'ai bientôt finit, je te le
laisserai.
— C'est ça, prend tout ton temps.
Je
vins me caler devant la porte fenêtre mais je n'y voyais rien, la
nuit était encore trop installée. Il y avait ni lune ni étoiles ce
soir là. Une nuit difficile pour tout chasseur à l’affût. Sur ses pensées mon estomac gronda de nouveau à la mort.
— Papa,
je me demandais...
— Oui ?
— Que
mange tu ? Et quand ? Enfin tous les combien de temps ?
Mon
père dénia enfin me prêter attention. Il descendit ses lunettes
d'intello sur son nez et posa son bouquin sur la table basse.
— Tu
as faim ?
— Un
peu.
J'aurais
dévoré une famille entière oui !
— J'ai
des steak dans le frigo si tu veux essayer ?
— Comme
ceux du Club ?
— Oui.
— C'est
quoi ?
— Du
bœuf.
— Ça
à quel goût ?
— Je
t'en prépare un.
Il
se leva et partit dans la cuisine. Je l'entendis s'y affairer et mes
yeux se posèrent alors sur le livre beige. Seul le nom du prof
apparaissait sur la couverture. En même temps, j'y aurais mal vu
écrit « La vraie vie des gargouilles » au beau milieu.
Mon
géniteur revint avec un plateau sur lequel trônait un pavé de
barbaque crue et sanguinolente d'environ deux kilos.
— C'est
tout ? Je ne suis pas au régime, moi.
— Il
faut y aller doucement, pour que ton estomac s'y habitue. Et puis rien ne
t’empêche de manger plus souvent, de te rationner toutes les
quatre à cinq heures environs.
— Comme
les humains quoi...
— Un
peu.
Je
m’asseyais à ses côtés et soulevais la viande
du bout des doigts.
— Tu
peut y aller ce n'est pas empoisonné.
— Très
drôle. Ça sent bizarre, en fait, ça ne sent rien...
— Tu
t'y feras.
— Qui
t'as dit que j'avais envie de m'y faire ?
— Goûtes !
Empoignant
maintenant la chaire si bien découpée qu'elle en était quasiment
cubique, j'osais planter un croc dedans. Fidèle à l'odeur, c'était
fade, végétale. Il y avait peu de gras et c'était froid ; sans vie.
Néanmoins affamée, je finis ma gamelle sans trop rechigner.
Mon
père avait un petit sourire en coin, fier de lui car il m'avait
fait bouffer de l'animal, et fier de moi, rentrant petit à petit
dans le rang des gargouilles civilisées, comme celles de son cher Club.
« Quelle putain de sacrée nuit... »
« Quelle putain de sacrée nuit... »
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