18h41. Avec le crépuscule je me levais. J'avais décidé qu'aujourd'hui serait un jour de gloire pour ma personne et ce, grâce à mon très cher Paul X. Je savais qu'il fermerait son cabinet à 20h et comme à son habitude, il irait rejoindre sa douce qui l'attendrait stupidement sur le stupide banc de ce stupide parc. Il resterait une demi heure avec elle et rentrerait chez lui, ou pas. En effet ce soir, j'avais prévu d'ajouter un peu de piment à sa vie bien trop propre...
19h55. Je n'avais aucuns plans, je n’étais pas faites pour imaginer des scénarios, je préférais les vivre. C'était Gabe qui s'en chargeait tout le temps. Malgré que ses idées soit toujours plus foireuses les unes que les autres, je n'avais jamais pris l'initiative d'établir mes propres règles. Ce soir serait une première ; et je comptait faire bien mieux que mon ignare de frère ! D'ailleurs le croiser maintenant étant la dernière de mes envies, je m’arrêtais quatre rues en amont du square. Il me fallait un instant de concentration.
« Comment chopper Paul ? »
***
20.25. Je tachais d'expirer toute l’adrénaline qui me montait au cerveau dangereusement. Ce n'était pas le moment de se laisser aller, pas encore. Il allait falloir être forte, rusée ; mauvaise. Focalisée sur ma proie je passais outre les regards posés sur moi. J'ignorais si il s'agissait là de curiosité face à une apparente jeune fille fille esseulée fumant cigarettes sur cigarettes depuis maintenant 15 minutes, ou encore de la peur imperceptiblement déclenchée par l'avalanche de phéromones que je dégageais dans ce genre de moments, ou bien simplement de l’intérêt face à ma silhouette soigneusement et intelligemment apprêtée pour l'occasion . Sûrement un peu des trois.
20.33. Il arrivait. Déjà je pouvais sentir son parfum me titiller les narines. Il progressait sur l'avenue et mon odorat s’excitait sous ses pas. Dans moins d'une minute il serait à mon niveau. Ma respiration s'emballa. Je sortis une nouvelle cigarette. Trente, vingt neuf, vingt huit, vingt sept...
« Relax Sil, tu va nous attraper ce Paul en beauté et dans les règles... »
Quinze, quatorze, treize, douze... J'avais maintenant un contact visuel. Il marchait droit devant les mains dans les poches de son trois-quart gris. Il était beau, sage et confiant. Ses traits étaient détendus et avenants, signe qu'il venait de passer un bon moment.
Quatre, trois deux, un...
« Maintenant ! »
— Docteur Vayant !
— Mademoiselle Brunel, bonsoir !
***
(un peu plus tard entre Paul et Sil)
— Au
fait, comment
va votre
dos ?
« Mon
dos, merde.. »
— Ah,
mon
dos, bien
mieux merci
!
« Non !
Quelle conne ! »
— Mais
c'est encore sensible, j'ai hâte
de repasser entre vos doigts.
Pris
au
dépourvu il
attrapa instinctivement
nos
deux verres. Le
liquide brun et liquoreux s’ébranla
en faisant crépiter
les
glaçons.
— Alors on regardera
ça de
plus
près lundi.
Vous
savez, je repense souvent à vos
cicatrices,
reprit-il
en m'indiquant une table libre.
Je
grimpais
sur le haut tabouret en usant de mon déhanché
délicat de carnassier
à l’affût.
Il s'y hissa hésitant , telle la brebis flairant le loup.
— Ah
bon, il ne faudrait pas pourtant, je veux dire qu'elles non rien
d'extraordinaires.
— Vous
rigolez,
s'en
est presque de l'art.
« De
l'art ? Si tu savais mon pauvre... »
— Tu
aime l'art, Paul ?
— Tout
dépend du
support.
Amusé,
il n'avait
pas relevé
mon audace qu'il semblait apprécier. Il
avait même
sur-enchérit ! Je commençait à le cerner. C'était
un homme intelligent et charmeur ; lui
aussi avait un bon potentiel de prédateur dans sa catégorie.
— Je
suis d'accord. Il m'arrive de peindre... dévoilais-je du
bout des lèvres.
Personne
hormis
Gabe n'avait la connaissance
de ce passe temps personnel. Livrer
à
un humain des
parcelles de ma vie ne m'enchantait pas, mais j'avais conscience
que je ne réussirais
à
rien sans offrir un peu de moi même.
—
Vraiment ?
Cela ne
me
surprend
pas.
Vous
êtes
une personne très
étonnante
Silver...
Il vint accrocher son regard au mien et reprit.
— ... Celui qui t'as laissé en plan ce
soir ne
sait pas ce qu'il perd.
Je
lui dégainais
mon plus beau sourire, faussement embarrassée.
Intimidé il me le rendit discrètement.
« Touché »
Mon
petit mignon avait mordu à l'hameçon !
J’entendais
son cœur suivre le rythme électrique
de la musique. Je sentais le musc de la sueur commencer à perler sur
sa peau. Je l'impressionnait. Je l'attirais tout en le faisant fuir.
Il avait peur, mais
adorait ce flot de nouvelles
sensations
que je lui procurais. Le désir et la curiosité l'emportaient sur
son
habituelle constance et loyauté envers Hélène. La salive m'en grimpât dans la gorge dangereusement. Je
resserrais la prise de mes ongles plantés dans mon jean. Déglutissant, je me
concentrais sur l'objectif de ma présence ici, au beau milieu d'un nid
de jeunes chaires fraîches.
« Pauvre
Paul, si seulement tu ne possédait pas la vulnérabilité de
l'humain, on aurait pu bien s'entendre toi et moi... ».
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